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    L'empire QUEBECOR
    et son fondateur Pierre Péladeau (1925-1997)
    par Bernard Bujold
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Album Photos
Le fondateur de Quebecor
Pierre Péladeau
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Chapitre 3
La rébellion au palais
Histoire de complot

Guerre de l’empire

Pierre Péladeau croyait aux complots et il craignait toujours de se faire trahir par ses
collaborateurs, même les plus proches. Régulièrement il vérifiait leur dévouement par des
demandes spécifiques. Un jour il me demanda de lui montrer l’enveloppe qui contenait une centaine
de reproductions photos que j’avais commandées pour répondre aux demandes des médias.
Il voulait s’assurer que le nombre de photos correspondait avec le nombre inscrit sur la facture.
Il regarda dans l’enveloppe et il me dit qu’il voulait simplement vérifier…

Les dirigeants de Quebecor n’avaient pas beaucoup de liberté sur le plan des dépenses à moins
d’être en poste dans une filiale. Mais de travailler au siège social signifiait accepter d’être sous
la loupe quotidienne du président Pierre Péladeau. Les comptes de dépenses n’existaient pas et
ceux qui voulaient soumettre des factures devaient le faire auprès de Pierre en personne.
Plusieurs préféraient payer de leurs poches les repas au restaurant ou les memberships de golf .

Cette situation a donné lieu à une sorte d’ambiance festive après sa mort car plusieurs
vice-présidents ont commencé à aller déjeuner au restaurant. Je me souviens d’un individu en
particulier qui apportait quotidiennement son lunch dans un sac en papier et qui déjeunait à son
bureau. Après la mort du président, il commença à prendre ses lunchs à l’hôtel d’en face et à
y inviter ses amis des autres entreprises montréalaises.
Vive le nouveau Roi !

Durant la dernière année de sa vie en 1997, certains dirigeants de Quebecor avaient commencé
à parler d’un remplacement pour Pierre que l’on considérait trop vieux et moins énergique.
Il n’était pas d’accord et il organisa la réplique contre les dirigeants en question. On pourrait dire
qu’il avait fait avorter une sorte de « putsch ». Plusieurs des dirigeants de la révolte
avaient conclu des ententes pour quitter au début de 1998. Malheureusement, à cause de son  décès,
la plupart des dirigeants renvoyés ont pu prolonger leur séjour.


Se méfier de son entourage

Comme l’écrit Donald Trump dans son récent livre : « En affaires, il faut vous entourer de
collaborateurs mais vous ne savez jamais à quel moment ils vont se retourner contre vous.
Vous ne pouvez jamais leur faire confiance entièrement car si les animaux sont des prédateurs
pour survivre, plusieurs humains sont méchants parce qu’ils sont jaloux et, dans certains cas,
ils aiment voir les autres souffrir »

Les complots et les campagnes de salissage existent et j’ai personnellement été témoin de
plusieurs situations de ce genre lorsque j’étais l’adjoint du magnat Pierre Péladeau.
Nous embauchions d’ailleurs régulièrement des firmes de détectives pour obtenir la preuve de nos
soupçons et on nous recommandait de vérifier mensuellement pour des micros d’écoute électronique
qui seraient installés dans nos bureaux. C'était avant l'internet. Imaginez ce que ce serait aujourd'hui?

Pierre Péladeau n’était pas le seul qui devait faire face à la trahison de ses proches.
La trahison fait partie de la vie en général mais Pierre ne faisait confiance à personne et
il contre-vérifiait toujours l’information qu’on lui transmettait. Une de ses techniques était de
demander une même recherche à trois personnes différentes. Il comparait le résultat obtenu et
il découvrait ainsi qui lui avait menti.

Généralement, les responsables de trahison étaient ceux que l'on croyait le plus honnêtes.
Parmi les complots découverts chez Quebecor, entre autres, une comptable responsable de la paye
qui fraudait la compagnie, un adjoint de la famille qui investissait le profit des transactions boursières
de la famille dans son propre compte et pour couronner le tout, Pierre Péladeau serait arrivé un jour,
sans s'annoncer, à la résidence d'une de ses amantes et il fut surpris que ce soit l'un des
hauts dirigeants de Quebecor qui vienne lui ouvrir la porte... en petites caleçons.

Bref, les exemples de trahison ne manquaient pas! Quelle était la solution?
"Éliminer les traîtres, lorsqu'on les découvre, et surtout continuer son chemin."
disait Pierre Péladeau.

Personnellement, je lui présentais toujours les faits comme ils étaient et Pierre en était venu
à me considérer comme quelqu’un qui lui était entièrement fidèle et dévoué. Je lui avais d’ailleurs
fait part du « putsch » et j’avais contribué à identifier les responsables.


Un complot

J’ai cependant dû payer pour ma fidélité envers Pierre Péladeau et après son décès, j’ai
immédiatement été la cible d'un complot dont le but était de m’empêcher de travailler, chez
Quebecor comme ailleurs au Québec.

Je n’en aurais jamais eu la preuve si ce n’avait été d’une erreur de la part d'un employeur qui a
trop parlé et qui a dévoilé le jeu de celui qui me salissait. Lorsque Pierre Péladeau est décédé
le 24 décembre 1997, j’ai immédiatement, dès le 6 janvier, été remercié de mes services par
le nouveau président intérimaire, Jean Neveu, qui ne voulait même pas que je sois transféré
dans une filiale. Il voulait que je quitte entièrement le giron de Quebecor. Je lui en ai demandé
la raison et il a simplement dit qu’il ne pensait pas que je serais utile à l’entreprise.
On m’a annoncé mon congédiement en plein dans la crise du verglas, dès la première journée
après le congé des fêtes, le 6 janvier 1998.

Pendant un moment j’ai cru que la fin du monde était arrivée.
Il n’y avait plus d’électricité à Montréal et la ville était en état d’urgence, mon mentor
Pierre Péladeau était mort malgré s’être accroché dans le coma pendant un mois,
et je n’avais plus d’emploi malgré mon dévouement envers Quebecor et son fondateur.

Lorsque je descendais à pied, dans le noir total l’escalier de mon édifice résidentiel en hauteur
de 8 étages (les ascenseurs ne fonctionnaient plus), je me disais que l’apocalypse ne
pouvait pas être pire et que c’était ça la fin de l’humanité…

J’ai cependant repris mes sens, une fois la situation de la météo et de l’électricité revenue à la
normale, et j’étais logiquement convaincu que je pourrais me retrouver rapidement un autre emploi
car, en tant qu’adjoint au président de Quebecor, je connaissais tout le Québec Inc. et plusieurs
hauts dirigeants m’avaient souvent dit au cours des dernières années qu’ils appréciaient mes
qualifications. Certains ajoutaient même être mon ami !

Mais étrangement, plusieurs entrevues prometteuses finissaient toujours par un refus, sans aucune
raison valable. Parfois, il me semblait remarquer les éléments d’une sorte de complot contre moi
mais sans preuves réelles. Quelques présidents de compagnies me mentionnaient qu’une rumeur
négative circulait à mon sujet, dans leurs réseaux, mais personne n’apportait de précisions.
J’ai finalement obtenu une confirmation incontournable alors qu’un  ministre du gouvernement de
Bernard Landry m’avait embauché sans que personne ne soit mis au courant en dehors du
gouvernement. J’ai commencé mon emploi mais avant la fin de la première journée,
la chef de cabinet me dit en après-midi :
«Bernard j’ai un gros problème. Je viens de recevoir un appel téléphonique de quelqu’un de très
puissant au Québec et je ne pourrai pas te garder car sinon on va causer du trouble au ministre.
Aucune raison, sinon la crainte de la personne qui a téléphoné. Désolée! »

Il était évident que cette personne en question n’en était pas à ses premières actions négatives
contre moi sauf que jamais auparavant, on ne me l’avait avoué ouvertement. Pour la première fois,
quelqu’un m’expliquait la raison pour laquelle il ne voulait pas, ou plutôt ne pouvait pas,  
m’embaucher. C'était une erreur de sa part d’avoir ainsi admis la vraie raison, mais j’avais enfin
une preuve que la campagne contre moi n’était pas une création de mon imagination.
J’ai engagé un détective, un ami personnel et ancien policier à la retraite de la Ville de Montréal,
pour connaître l’auteur et nous avons découvert de qui il s’agissait, sauf que j’étais beaucoup
moins puissant que cette personne.

La poursuite aurait été coûteuse pour moi. Plus de 10 000$ uniquement pour rassembler le dossier
d’une enquête par l’agence de détective et des dizaines d’autres milliers de dollars pour les frais
d’avocat afin de défendre le cas devant un juge.
Il valait mieux attendre le bon moment pour obtenir une revanche surtout que j’étais en recherche
d’emploi. Une amie avocate a négocié une somme de 1 500$ pour ma journée de travail
avec le Ministre.

Comme le mentionne un homme d’affaires célèbre:
«Il faut savoir choisir ses batailles selon nos chances de les gagner!»
Je me suis aussi dit que la vie se chargerait de faire payer ceux qui m’avaient fait du mal.
Le destin est parfois plus juste et plus cruel que toutes les cours de justice…

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Bernard Bujold en compagnie de ses deux enfants, David et Stéphanie.
Pierre Péladeau aimait beaucoup ces derniers et il les a reçus à quelques
reprises à sa résidence de Ste-Adèle.
le 6 janvier 1998, autours de l'édifice de Quebecor, rue St-Jacques Ouest
à Montréal.